Thursday, September 1, 2016

How avant-garde artists can change how you see the world

Renoir: "Palais des Doges" (1881). From here.
The visits that Bergotte paid us were a few years too late for me now, because I didn’t like him as much any more—which doesn’t contradict the fact that his reputation had grown. An oeuvre is rarely completely victorious and comprehended without another writer’s work, perhaps still obscure, beginning to replace the cult that has almost finished coming to the fore with a new one (at least among a few more hard-to-please minds). In the books of Bergotte that I re-read most often, his sentences were as clear before my eyes as my own ideas, the furniture in my room, and the cars in the street. All things were comfortably obvious—even if not exactly as you had always seen them, at least as you were used to seeing them at the present time. But a new writer had started publishing works where the relationships between things were so different from those that bound things together for me that I could barely understand anything he wrote. For example, he said, “The watering hoses admired the lovely upkeep of the highways” (and that was easy; I slid down the length of those highways) “which left every five minutes from Briand and from Claudel.” I didn’t understand any more, since I’d expected the name of a city, but instead it gave me the name of a person. I didn’t just think that the sentence was poorly made; I thought that I wasn’t strong and quick enough to go all the way to its end. I picked up my spirits and clambered on hands and feet to get to a place where I could see the new relations between things. Each time I got a little closer to the midpoint of the sentence, I fell back down, like the slowest soldier in a regiment during the “portico” exercise. I admired the new writer no less than the clumsy kid who gets a zero in gym class admires a more dexterous child. From then on, I admired Bergotte less; his limpidity now seemed to come from inadequacy. There had once been a time when people recognized things when Fromentin painted them, but not when Renoir did.

Today, people of taste tell us that Renoir is a great painter of the nineteenth century.* But in saying so, they forget Time, and that it took a lot of it—well into the twentieth century—for Renoir to be hailed as a great artist. To successfully be recognized as such, the original painter or artist must set forth like opticians. The treatment of their painting, their prose, isn’t always pleasant. When finished, the practitioner tells us: “Now look.” And behold—the world (which was not created just once, but as often as a truly original artist appears) looks entirely different to us from the old one, but perfectly clear. Women pass in the street, different from those of the past, since they are Renoirs—those same Renoirs in which we long ago refused to see any women at all. The cars are also Renoirs, and the water, and the sky. We feel like we are walking in a forest like the one which on the first day seemed to us like everything except a forest—like a tapestry with a number of nuances that nevertheless lacks just those nuances that a forest should have. That is the universe, new and perishable, which has just been created. It will last until the next geological catastrophe unleashed by a new painter or writer who is truly original.

—Proust, The Guermantes Way, part 2, chapter 1 

* Can anyone explain to me why the French text (below, from the 1988 Gallimard text) says "XVIIIe siècle"? Is Proust talking about a different Renoir from the famous Impressionist? If so, I couldn't find mention of such a Renoir anywhere... Especially confusing since Fromentin was also a 19th-century painter, no?

Les visites qu’il nous faisait maintenant venaient pour moi quelques années trop tard, car je ne l’admirais plus autant. Ce qui n’est pas en contradiction avec ce grandissement de sa renommée. Une oeuvre est rarement tout à fait comprise et victorieuse, sans que celle d’un autre écrivain, obscure encore, n’ait commencé, auprès de quelques esprits plus difficiles, de substituer un nouveau culte à celui qui a presque fini de s’imposer. Dans les livres de Bergotte que je relisais souvent, ses phrases étaient aussi claires devant mes yeux que mes propres idées, les meubles dans ma chambre et les voitures dans la rue. Toutes choses s’y voyaient aisément, sinon telles qu’on les avait toujours vues, du moins telles qu’on avait l’habitude de les voir maintenant. Or un nouvel écrivain avait commencé à publier des oeuvres où les rapports entre les choses étaient si différents de ceux qui les liaient pour moi que je ne comprenais presque rien de ce qu’il écrivait. Il disait par exemple : « Les tuyaux d’arrosage admiraient le bel entretien des routes » (et cela c’était facile, je glissais le long de ces routes) « qui partaient toutes les cinq minutes de Briand et de Claudel ».  Alors je ne comprenais plus parce que j’avais attendu un nom de ville et qu’il m’était donné un nom de personne. Seulement je sentais que ce n’était pas la phrase qui était mal faite, mais moi pas assez fort et agile pour aller jusqu’au bout. Je reprenais mon élan, m’aidais des pieds et des mains pour arriver à l’endroit d’où je verrais les rapports nouveaux entre les choses. Chaque fois, parvenu à peu près à la moitié de la phrase, je retombais, comme plus tard au régiment dans l’exercice appelé portique. Je n’en avais pas moins pour le nouvel écrivain l’admiration d’un enfant gauche et à qui on donne zéro pour gymnastique, devant un autre enfant plus adroit. Dès lors j’admirai moins Bergotte dont la limpidité me parut de l’insuffisance. Il y eut un temps où on reconnaissait bien les choses quand c’était Fromentin qui les peignait et où on ne les reconnassait plus quand c’était Renoir.

Les gens de goût nous disent aujourd’hui que Renoir est un grand peintre du XVIIIe siècle. Mais en disant cela ils oublient le Temps et qu’il en a fallu beaucoup, même en plein XIXe, pour que Renoir fût salué grand artiste. Pour réussir à être ainsi reconnus, le paintre original, l’artiste original procèdent à la façon des oculistes. Le traitement par leure painture, par leur prose, n’est pas toujours agréable. Quand il est terminé, le practicien nous dit : « Maintenant regardez. » Et voici que le monde (qui n’a pas été créé une fois, mais aussi souvent qu’un atiste original est survenu) nous apparaît entièrement différent de l’ancient, mais parfaitement clair. Des femmes passent dans la rue, différentes de celles d’autrefois, puisque ce sont des Renoir, ces Renoir où nous nous refusions jadis à voir des femmes. Les voitures aussi sont des Renoir, et l’eau, et le ciel : nous avons envie de nous promener dans la forêt pareille à celle qui le premier jour nous semblait tout excepté une forêt, et par exemple une tapisserie aux nuances nombreuses mais où manquaient justement les nuances propres aux forêts. Tel est l’univers nouveau et périssable qui vient d’être créé. Il durera jusqu’à la prochaine catastrophe géologique que déchaîneront un nouveau peintre ou un nouvel écrivain originaux.

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